Nous petit-dejeunons a cote de la cage des lovebirds de l'hotel, dont nous sommes separes par une baie vitree. Lovebird en francais se dit inseparable mais je prefere lovebird, le mot est plus romantique. Les inseparables/lovebirds regroupent plusieurs especes d'oiseaux de la famille des psittacidae, et cela me rappelle une histoire de Tintin ou le reporter belge met en garde Milou contre la psittacose.
tiré de Tintin au Congo
Brrr... j'ai toujours eu peur depuis la lecture de cet album de la psittacose, sans savoir ce que c'etait. C'est marrant ce qu'on peut garder comme souvenirs de son enfance. J'etais manifestement atteint de pedopsittacophobie, la peur de la psittacose chez l'enfant.
Les lovebirds sont mignons. Ils restent en couple, aile contre aile, chaque paire de petits oiseaux verts ou jaunes postee devant sa petite case du grand nichoir de l'hotel.
Il fait un temps superbe et c'est parfait pour notre visite du jour. Nous avons rendez-vous avec notre guide sur l'embarcadere de l'hotel. Un bateau va nous emmener de l'autre cote du lac, au village de Santiago Atitlan. La traversee dure une trentaine de minutes.
sur le lac Atitlan. Devant nous se dresse le volcan Toliman, et juste derriere lui le volcan Atitlan
Notre guide reveche a un nom francais (de la Bastille), nous semble anglaise lorsqu'elle parle, est native de Trinidad & Tobago, et habite ici a Panajachel sur le lac Atitlan. Suite a mes observations d'hier apres-midi elle nous confirme que le niveau du lac monte sans que l'on sache exactement pourquoi. Plusieurs hypotheses sont avancees, je vous laisse demander a google ou wikipedia pour en savoir plus. Ce qui est sur c'est que les somptueuses demeures des riches etrangers construites trop pres du lac sont maintenant dans l'eau - sinon, c'est une question de quelques mois. A moins que le lac ne reparte a la baisse sans que l'on ne sache plus pourquoi...
Nous approchons de Santiago Atitlan, qui malgre son nom espagnol est peuplé en majorite par des Tzutuhils, un peuple maya.
Nous sommes a Santiago, en terre tzutuhil. Les Tzutuhils sont un peuple tres fier nous indique la guide. C'est une de mes remarques preferees des guides. Comprenez-moi : pouvez-vous me citer un peuple sans fierté ? "Bonjour, nous sommes les XX, nous detestons nos traditions, nous avons l'air d'idiots, d'ailleurs nous sommes des idiots, et nous adorons nous faire dominer par les vagues successives d'envahisseurs. Voulez-vous nous conquerir ?" Une telle categorie de population ne survivrait pas assez longtemps pour devenir un 'peuple', non ? Bref, pour moi, ZPP, ethnologue au long cours, peuple fier est un pleonasme.
Par contre ce qui m'interesse c'est que les Tzutuhils sont suffisamment fiers pour ne pas se melanger - appelons-les un peuple fermé. Ils gardent par consequent tres nettement les caracteristiques physiques des peuples mayas, qui sont d'apres mes observations : une petite taille, la peau mate, un cou inexistant pour les hommes les plus trapus. Les metisses, ou mestizos, d'ascendance maya et espagnole, se distinguent par leur peau plus claire et leur plus grande variation de taille.
Vous savez quoi, en disant "petite taille" je me rends coupable d'ethnocentrisme, comme si la norme etait ma taille ou la taille moyenne des Français. Peut-etre que pour les Tzutuhils leur taille est "normale", et qu'ils nous decrivent comme un "peuple de grande taille". Petite taille est subjectif, pas factuel. Soyons factuels. D'apres mes observations les femmes tzutuhils ont une taille moyenne d'un metre quarante, les hommes d'un metre cinquante-cinq a un metre soixante.
Les petites rues de Santiago ne sont pas tres adaptees a la circulation automobile. Malgre cela j'y observe une voiture avec caravane en grande manoeuvre pour tourner a une intersection. Tiens tiens tiens... la caravane porte une plaque d'immatriculation de l'Alaska. Alaska ! Et bah ils en ont fait une trotte. D'apres google maps il y a (au moins) plus de 9000 kilometres de route depuis l'Alaska (Anchorage ou Fairbanks). Je suppose que nos amis globe-trotters veulent pousser le plus au sud possible, jusqu'au Panama. A ce sujet, connaissez-vous le Darien ? Il s'agit d'une region de marais et de foret a la frontiere entre le Panama et la Colombie, a l'endroit ou l'Amerique centrale se "rattache" a l'Amerique du Sud, et ou aucune infrastructure n'existe. C'est le seul endroit qui empeche de traverser l'integralite des Ameriques, de l'Alaska a la Terre de Feu, sur une route continue.
C'est sur cette place que se trouve la principale eglise de Santiago. A l'interieur de l'eglise nous apprenons que les Tzutuhils pourraient etre arrives, depuis ce qui est aujourd'hui le Mexique, environ 900 ans avant J.C., et dominaient la region du lac Atitlan jusqu'a l'arrivee des Espagnols. N'ayant formé aucune alliance avec d'autres peuples mayas, ils furent vaincus en 1524 par les Espagnols eux-memes aidés des Mayas Cakchiquel.
Notre guide est beaucoup plus passionnee pour nous raconter l'histoire de Santiago pendant la guerre civile du Guatemala entre 1960 et 1996, avec de nombreux massacres de Mayas par l'armee. En 1981 un pretre americain de l'Oklahoma, Stanley Rother, fut assassiné a Santiago par des militaires pour avoir voulu lutter contre les injustices envers les Mayas.
Si les violences militaires et arbitraires ont aujourd'hui disparu la corruption reste un probleme majeur au Guatemala. D'apres notre guide c'est pour des raisons de corruption que le service postal du pays a ete interrompu en 2016 - et n'a jamais ete rétabli. Voila pourquoi tous les gens a qui nous avons demande où acheter des timbres avaient des reactions bizarres, a la limite de la panique ! Bon, donc pas de cartes postales souvenirs avec tampon postal du Guatemala.
Pour clore notre visite de Santiago, notre guide nous emmene chez un chaman pratiquant le culte de Maximon. Je n'ai pas compris grand chose sur l'origine et le role supposés de ce Maximon... et je n'ai pas grand interet pour les chamans. D'apres notre guide il ne s'agit quand meme pas de spiritisme foireux ("fais revenir ta copine, consultation par telephone uniquement, 100% garanti") mais plutot de ceremonies avec offrandes pour demander bonne santé, bonne recolte, etc. La guide ajoute que les Mayas tendent a etre "gullible" et sont donc friands de ces ceremonies. Gullible est un mot anglais dont j'aime beaucoup la sonorite et qui signifie credule, naïf.
Nous allons dejeuner dans le restaurant d'un hotel un peu a l'ecart du village. Nous marchons le long de la route qui domine le lac. Il y a peu de circulation, a part des tuk-tuks, ces taxis tricycles a moteur que nous aurions pu utiliser si nous avions ete faineants, et des pick-up trucks ultra-fatigues transportant jusqu'a douze ou quinze personnes tassées sur leur plateforme arriere, raclant le sol a chaque dos d'ane et en grincant plus qu'un voilier du temps de Christophe Colomb.
Apres dejeuner nous retournons a Panajachel en bateau.
D'apres notre guide c'est la forme de cette colline qui a inspire a Saint-Exupery le serpent ayant mange un elephant dans le Petit Prince. Wikipedia est bizarrement muet a ce sujet, je ne sais que penser. Mais effectivement, Saint-Exupery a subi un crash au Guatemala en 1938.
De retour a Panajachel nous disons au-revoir a notre guide et nous allons visiter le petit "museo lacustre Atitlan", situé dans un hotel, ou nous en apprenons un peu plus sur l'origine du lac et sur l'histoire des Mayas dans la region. Suite a une eruption volcanique d'ampleur massive il y a 85000 ans une caldeira (effondrement du toit d'une chambre magmatique) s'est formee et le lac l'a progressivement remplie.
Je trouve les informations de ce musee parcellaires. Il y a par exemple des objets, dans des vitrines, dont nous ne comprenons ni l'origine ni la raison de leur exposition. Sur place se trouve egalement la "salle Samabaj", ou les photos sont interdites, et aux informations encore plus rares. Bon. Le sujet est Samabaj, un site archeologique maya au fond du lac Atitlan, ce qui complique grandement son exploration par des archeologues-plongeurs qui doivent egalement tenir compte des contraintes supplementaires de la plongee en altitude.
Samabaj, où ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ? No se !
Sur la photo ci-dessus le pot a gauche avec des traits de visage humain et des bras tres fins me rappelle des ceramiques vues a Lima, mais nous etions alors en territoire inca. Je ne sais pas...
Apres le musee nous deambulons sur la promenade au bord du lac, semble-t-il aussi populaire pour les touristes que pour les locaux. Le soleil brille, les enfants s'amusent, les amoureux romantisent, et les vendeurs de cochonneries vendent des cochonneries.
C'est en retournant a l'hotel que nous vivons le moment le plus dangereux de ce voyage. Nous devons longer sur quelques centaines de metres la route, sur une section qui comporte un virage sans visibilite, d'ou deboulent des chicken bus en hurlant de toute leur mecanique tels des mad max guatemalteques. Apres avoir bondi precipitamment sur le muret qui separe la route du talus qui descend vers le lac, nous sommes soulagés d'arriver au chemin d'acces a notre hotel.
Au bord de ce chemin des batiments inoccupés attendent sagement l'assaut des annees. D'anciens bungalows d'hotel a l'abandon ? Sans doute.
Pendant ce temps a Boston de terribles evenements se produisent. La plus grosse tempete de neige de l'hiver, classée en blizzard par endroit, s'est abattue hier sur la region. Notre maison est sous la neige, et une vague de froid intense (dans les -20°C) couronne le tout. A l'idee de retrouver notre driveway recouvert d'une croute de glace de deux pieds d'epaisseur mon naturel reprend le dessus : je stresse a fond !
Heureusement, la-bas, dans ces froides contrees a deux mille miles de notre ciel ensoleillé du Guatemala, chick.run veille au grain. Sous ce nom de code se cache notre amie amatrice de marathon-relais (mais si vous la connaissez) et a l'ame bienfaitrice, qui en ce vendredi apres-midi est partie armee de sa pelle degager notre driveway. Merci, merci !
Vite, maintenant, un cocktail au bord de la piscine pour nous remettre de ces emotions.