Ce que l'on m'a dit des hotels peruviens est donc vrai : il y fait froid la nuit. D'un autre cote a 3400 metres d'altitude il ne faut pas s'attendre aux grandes chaleurs. Recommandation ferme : penser a reclamer un chauffage d'appoint, et/ou entasser les couvertures pour lutter contre le froid. Par contre rien n'aurait pu neutraliser le seul desagrement de notre premiere nuit a Cusco : quoi donc, sur cette planete, peut lutter contre la voix puissante d'une touriste americaine ? Sauf, peut-etre, je l'admets, une touriste... russe !
C2 experimente des fruits bizarres comme la grenadelle au petit-dejeuner puis nous retrouvons notre guide pour entamer nos visites de la journee. Nous allons explorer plusieurs sites archeologiques autour de Cusco grace a notre "boleto turistico del cusco" - boleto = billet en espagnol - qui donne acces a 14 sites pour 130 soles (~39$). Des le depart de notre hotel nous mitraillons en tous sens avec nos iPhones et autre appareil-photo, et je vais tacher de faire le tri dans ces innombrables photos et panoramas.
en route pour nos visites. Sur la colline un site que nous visiterons, en arriere-plan la ville de Cusco
Le premier site de notre programme s'appelle Tambomachay. A neuf heures du matin il est encore assez desert et nous marchons au calme - et au soleil, qui tape fort a cette altitude. Notre guide parle beaucoup, ce qui est tres bien, mais entre la quantite d'information qu'elle debite, ce que j'en retiens, les nombreuses zones de doute non eclaircies par les archeologues et historiens, et ce que je peux glaner sur Internet apres coup, je ne sais plus trop quoi penser ou dire. Voici donc une annonce valable pour toute la serie d'articles de ce voyage : je vous presente ce que j'ai lu et entendu, et je ne m'aventure pas au-dela de ce qui semble faire consensus parmi la communaute scientifique. Vous pourrez en trouver plus (et son contraire en cherchant suffisamment...) sur internet. Bien.
Tambomachay est le site d'un temple, probablement lié au culte de l'eau, qui etait visité une fois par an au debut de la saison des pluies (octobre-novembre). L'edifice que nous pouvons admirer rassemble de nombreux elements que nous retrouverons dans nos autres visites peruviennes :
- trois niveaux de construction pour representer les trois niveaux du monde dans les croyances incas :
- le ciel avec pluie, soleil, etc
- le niveau du sol, ou vivent les humains, coulent les rivieres, etc
- le monde souterrain, le monde des morts
- des murs realises en pierres taillees de plus en plus imposantes et travaillees au fur et a mesure que l'on se rapproche de l'endroit "sacré"
- des niches pour abriter et exposer des momies
- une grande maitrise de l'eau et de sa circulation par des canaux et des fontaines utilisant uniquement la gravité
Seule l'elite de la societe inca prenait part aux ceremonies religieuses - voire uniquement les (le ?) pretres. Le reste du peuple etait tout de meme associe a des festivites, dans d'autres lieux.
La photo ci-dessus resume bien ce que nous allons experimenter au Perou, jusqu'a l'overdose : de la montagne, des terrasses, et des murs en pierre.
J'aurais bien inspecté les environs mais Silvia, notre guide, est deja repartie au pas de course. Bon. Je guette les etalages en train de se deplier sur le chemin pour redescendre. J'en conclus que ce site, malgre un air calme a 9h30 du matin, doit etre populaire dans la journee. Qui dit marchands dit... acheteurs !
Deux especes de camelides sont domestiquees au Perou, et je ne sais toujours pas vraiment les differencier... sauf si on en met deux individus cote a cote. On trouve evidemment les inevitables lamas (llamas en espagnol), qui etaient utilises par les Incas surtout en tant que betes de charge. On trouve egalement les alpagas (alpacas en espagnol), tres similaires mais de plus petite taille, utilisés par les Incas pour leur laine et pour en faire... des steaks.
Alpaga, alpaga... En bon petit francais acclimaté a la lecture grace la bibliotheque rose, et n'ayant que peu d'interet pour les textiles de ce monde, alpaga jusqu'a present n'evoquait pour moi qu'un des mechants dans Fantomette ! D'autre part, je me mefie des lamas depuis ma tendre enfance grace aux informations collectees dans l'album de Tintin Le Temple du Soleil, dans lequel le capitaine Haddock echange des crachats avec des lamas. D'apres notre guide toutefois, si les lamas (et les alpacas) crachent, ils reservent cette manoeuvre pour leurs congeneres. Il n'y a aucune raison de se faire cracher dessus par un lama en tant que touriste. Ouf...
Le site suivant s'appelle Q'enqo, ce qui veut dire labyrinthe en quechua (une langue parlee dans les Andes, utilisée par les Incas). On y trouve une roche qui avait un role astronomique pour les Incas. Les Incas depensaient beaucoup d'energie a construire de tels 'instruments' de mesure leur permettant de determiner tres precisement les jours des solstices, pour savoir par exemple quand debutait la saison des pluies et organiser leur agriculture en consequence.
C'est lorsque l'ombre du rocher (a droite sur la photo) se projetait au lever du soleil sur une entaille precise gravée dans la paroi derriere lui que les Incas confirmaient le jour du solstice. Ce rocher etait entouré d'un mur dont plusieurs niveaux de pierres taillees ont disparu.
L'appellation "labyrinthe" du site n'est pas d'origine inca. Elle lui fut donnée toutefois en raison du dedale de passages et de petites grottes naturelles ou creusees par les Incas sur place. On suppose que le site etait utilisé comme lieu de momification, avec differentes "chambres" pour les differentes etapes de ce processus - par exemple au soleil pour l'etape de deshydratation, au frais pour la conservation. Oh, et des sacrifices humains s'y seraient aussi deroules.
Le clou de nos visites en dehors de Cusco ce matin est le site de Saqsayhuaman (son orthographe est tres variable). Internet en general et wikipedia en particulier designent le site comme une forteresse, mais notre guide insiste plus sur son role religieux. Les immenses murs construits ici soutiennent un etagement de terrasses, au sommet desquelles se trouvent les ruines de ce qui est considere comme un ancien complexe sacré. Son acces est desormais interdit au public, mais on peut se balader entre les formidables "murailles", construites sans mortier, et dont les caracteristiques (inclinaison, tracé en zigzag) leur auraient permis de resister aux tremblements de terre depuis 500 ans.
Au pied des terrasses se trouve une immense place, utilisée pour tailler les pierres pendant la construction, et pour accueillir le peuple pendant ou apres des ceremonies religieuses. Voici la theorie de construction decrite par notre guide : les roches (en provenance de carrieres plus ou moins distantes) etaient selectionnees et agencees a plat pour former l'ebauche d'un mur. Elles etaient taillees ainsi et l'avantage de "pre-construire" le mur a plat etait de pouvoir deplacer les pierres horizontalement pour verifier leur ajustement, au lieu d'avoir a les soulever. Une fois une section de mur complétée de cette facon les pierres etaient acheminees jusqu'a leurs emplacements finaux et empilées verticalement, comme un lego geant. Quel genie ! L'ensemble du site aurait ete construit sur une periode d'environ cent ans.
Notre guide nous liste aussi les trois principes incas de construction (les trois 'S' comme elle dit) :
- simplicité
- solidité
- symetrie
Je n'aurais pas necessairement qualifié leur approche de construction de "simple", a moins de se dire qu'ils utilisaient "simplement" des rochers pour leurs murs, sans autre materiau.
Comment les Incas s'y prenaient-ils pour deplacer leurs blocs de pierre ? Ils construisaient et utilisaient des rampes pour acceder aux niveaux superieurs des terrasses, sur lesquelles ils faisaient "rouler" les rochers sur des rondins de bois, ou sur des gros cailloux a peu pres spheriques lorsque le poids d'un rocher etait trop grand pour la resistance du bois. Ils n'utilisaient pas la roue - je ne suis pas tres clair s'ils en avaient la connaissance. Diverses theories a ce sujet peuvent etre trouvees sur Internet, je vous laisse chercher dans google par vous-memes.
Voici un panorama pris au pied des terrasses, depuis la grande place de Saqsayhuaman. La matinee se termine et nous retournons a Cusco.