Aujourd'hui nous allons visiter l'ile de la Grenade. Notre guide grenadien tente de nous expliquer l'histoire de l'ile et du pays mais plutot que vous donner trop d'informations deformees par ma memoire defaillante, je vous renvoie a wikipedia, evidemment.
En quelques phrases... l'ile fut reperee par les Espagnols (d'ou son nom probablement) mais ils ne la coloniserent pas. Ce sont les Francais qui s'installerent pour de bon sur l'ile au 17eme siecle, et exterminerent methodiquement la population locale (des indiens caraïbes). Des plantations se developperent, avec une main d'oeuvre constituée d'esclaves amenés d'Afrique. La majeure partie de la population 'autochtone' de la Grenade aujourd'hui est donc formée des descendants de ces esclaves, qui ne connaissent pas leur veritables origines africaines.
L'ile fut cédée aux Anglais en 1763, et resta une colonie anglaise jusqu'a son independence en 1974, a part un second et bref intermede francais entre 1779 et 1783. Les evenements sont un peu flous pour moi entre 1974 et 1984, avec l'implication de Cuba, des Etats-Unis, de la CIA, un gouvernement 'revolutionnaire', des coups d'etat, des elections contestees, et cerise sur le gateau une invasion americaine en bonne et due forme en 1983.
Tout semble aller mieux depuis 1984, avec des elections democratiques regulieres et plus de remous. En fait la plus grande tragedie pour l'ile ces 35 dernieres annees est le passage de l'ouragan Ivan en 2004 qui l'a ravagée. L'economie aujourd'hui repose largement sur le tourisme. Pour l'exportation la Grenade produit entre autres des noix de muscade (nutmeg en anglais) et des epices.
Nous demarrons notre visite. Bien qu'elle ne soit pas tres grande, et que son reseau routier soit en bon etat, l'ile de la Grenade est montagneuse et ses routes sont sinueuses. Notre vitesse moyenne est donc faible et nous n'allons pas pouvoir decouvrir toute l'ile.
Nous allons a St George's, la capitale de la Grenade et sa localite la plus peuplée.
Je voulais absolument visiter le fort de St George's, dont la construction date de la colonisation francaise. Chic, chic, me disais-je, allons decouvrir l'histoire et l'architecture d'un fort historique du dix-huitieme siecle ! Faisons une pause un instant pour etudier les mecanismes a l'oeuvre derriere cette intention de "visiter" le fort de St George's. Avec du recul je m'apercois que j'avais des idees preconcues sur ce a quoi devait ressembler la visite d'un fort francais du dix-huitieme siecle dans les Antilles. Quelle naivete ! Pourtant je pensais etre ouvert d'esprit, avoir suffisamment parcouru ce vaste monde pour etre dénué d'attente et de jugement causés par ma culture.
Je m'attendais donc a de la belle pierre pimpante et bien agencée, de la solide fortification bien alignée, si possible un petit musée (meme sous forme d'une unique salle) avec moult explications et, si je peux rever un peu, croquis et fac-similés d'estampes d'epoque pour decrire la construction et l'evolution du fort. Ha ha ha ! Quel idiot. Je me permets de traduire ici l'opinion de wikipedia, qui est exacte d'apres mes propres constatations sur place : "Fort George se trouve sur le promontoire a l'ouest du port de St George's. Construit en 1705 par les Francais, la police utilise de nos jours nombre de ses structures. Un des batiments a ete converti en salle de sport, une autre salle en une sorte d'atelier textile. La plus grande partie du fort est encore intact et ouvert aux visiteurs. Cependant, ses batiments sont tres délabrés par faute d'entretien et suite aux degats causes par l'ouragan Ivan, et il y a peu ou pas d'information a l'interieur du fort lui-meme". Bon bon.
Pas de musee, pas de croquis, pas le moindre panneau explicatif (a part une mention des sombres heures de la Grenade en 1983). Que dalle. Un desert culturel qui me laisse sur ma faim. Mais une bonne lecon pour mes attentes de visiteur en provenance d'un "pays développé". D'ailleurs tout n'est pas perdu puisque j'adore les ruines : je suis servi. Un fort du dix-huitieme siecle me plaira toujours, qu'il soit restauré ou délabré ! Je prends en photo un canon qui porte l'inscription "CARRON 1807". Wikipedia agrée et m'informe de l'existence de la Carron Company fondée en 1759 et effectivement productrice de canons.
L'avantage aussi d'un fort dans cet etat est que l'on peut se balader ou ca nous chante. Il n'y a personne pour surveiller, ou interdire. Je m'engouffre avec notre guide dans un mysterieux tunnel sombre... dont nous emergeons simplement un peu plus bas dans une autre cour du fort, sans avoir croisé le moindre fantome anglais ou francais.
Nous faisons ensuite un arret au marché de St George's, ou C2 veut inspecter les etals d'epices. A cette occasion elle decouvre que ce que tout le monde appelle ici du "safran" est en fait du "turmeric" (curcuma en francais), qui coute bien moins cher... Et d'ailleurs il n'y a pas de "vrai" safran en vente.
Puis notre guide nous emmene a Annandale Falls, une petite cascade dans la montagne et la foret au-dessus de St George's. Il est possible de s'y baigner mais cela ne nous interesse guere. Au contraire d'un couple de gros americains qui se mettent a l'eau avec joie.
Notre guide s'arrete dans un petit magasin au bord de la route pour nous parler de ressources de la Grenade, demonstration a la machette a l'appui : bananes, cacao, noix de muscade.
Nous montons a Grand Etang Lake, un lac de cratere a 550 metres d'altitude. Le soleil eclatant a disparu du ciel, remplacé par des amas de nuages gris. Cela rend le lac vaguement inquietant. Que se cache au fond de ces eaux noires ? Cela ne semble pas emouvoir un groupe de jeunes venus pique-niquer au bord du lac, a l'abri d'un des trois gazebos gracieusement donnés par la Chine. Des gazebos, construits dans la rainforest, dons de la Republique populaire de Chine à une petite ile des Caraibes ? Ca sent bon l'embrouille politique tout ca. Je m'attends presque a ce qu'ils se fassent plastiquer par des barbouzes de la CIA.
Avant de partir, petite tentative de vue panoramique du lac.
Nous redescendons a St George's.
St George's, Fort George est en face de nous, sur le promontoire rocheux au milieu a gauche de la photo
Pour dejeuner nous allons dans un boui-boui hautement local, ou nous sommes les deux seuls non-locaux. Le client a la table voisine regarde un match de cricket sur son telephone portable. Comme nous le rappelle wikipedia, "comme pour d'autres iles des Antilles, le cricket est le sport national et le plus populaire, et fait partie integrante de la culture grenadienne". Nous remplissons nos ventres avec des plats faisant partie integrante de la cuisine grenadienne : j'opte pour le "roti", une crepe fourrée (a la limite de l'explosion, portion monstrueuse) avec des pommes de terre, du curry, et au choix du poulet ou du poisson ou du "lambi" (conque en francais si j'ai bien compris). Je frise l'indigestion pour finir mon assiette, en etant attentif pour ne pas m'etrangler avec les quelques aretes de taille respectable qui piegent mon plat. C2 se laisse tenter par le "oil down", plat qui, bien evidemment, a son propre article sur wikipedia (je cite l'article francais : "c'est un ragoût composé principalement de fruit à pain, de viande de porc ou de bœuf, de lait de coco et d'épices locales"). Bon appetit !
Lourdement lestés nous rentrons a l'hotel apres un dernier crochet au supermarché du coin pour acheter des plaquettes de chocolat, puisque Grenade est aussi réputée pour son chocolat. Voila une journee bien occupée. A demain pour d'autres aventures, car il y en aura !