J'ai longtemps reflechi a la facon dont j'allais introduire cet article. Comment menager le suspense, comment faire durer la tension jusqu'a l'instant crucial ou je revelerais ma destination. J'ai egalement longtemps cru que cet article ferait partie de la derniere serie d'articles sur mon blog, lorsque moi, ZPP, le conquistador des temps modernes, je poserais enfin le pied dans mon cinquantieme et dernier etat des Etats-Unis d'Amerique, fier d'avoir atteint un but dont la vacuite n'a point d'egal a part la course a l'espace.
Et puis, la realite nous rattrape, et nous ne faisons pas toujours tout selon ce qui avait ete planifie. En ce qui me concerne, je fais presque tout apres une planification minutieuse, plusieurs annees a l'avance, ha ha ha. Ce soir, mes amis, C2 et moi nous envolons pour Vancouver. Vancouver ? Quoi ? On croit rever... Retourner deux fois au meme endroit sur le blog d'un US-trotter, il y a de quoi vouloir fermer ce navigateur internet, abandonner la lecture de ces articles qui se repetent. Patience, mes amis, patience, comme disait Hubert Reeves. Vous vous doutez bien que si je m'envole ce soir pour la plus grande ville de la province de Colombie-Britannique a l'ouest du Canada, ce n'est ni par hasard, ni par desabusement.
Si l'on veut comprendre les Etats-Unis, il y a une notion avec laquelle il faut etre familier : celles des "48 lower states". Il s'agit des 48 etats qui se touchent et qui courent du Massachusetts a la Californie, de la Floride a l'etat de Washington. C'est-a-dire, les 48 etats contigus qui couvrent une grande partie du continent nord-americain, de l'Atlantique au Pacifique, entre le Mexique et le Canada. Et puis, en plus de ces 'lower 48', il y a deux etats supplementaires qui ne touchent aucun de ces 48 'etats contigus'. Il s'agit de l'Alaska, terres achetees a la Russie en 1867 et devenu un etat en janvier 1959, et Hawaii, devenu un etat en aout 1959.
Apres cette longue introduction, les lecteurs les plus assidu(e)s de mon blog auront devine ce que la serie d'articles qui va suivre veut raconter : mon voyage en Alaska. Alaska ! "Ze last frontier", la derniere frontiere, comme l'appelle les ricains. Pourquoi ? D'abord, parce que ca en fait un 'ze most', a l'oppose du 'ze first' du Delaware :-) Egalement, pendant longtemps pour les americains la "frontiere" ce fut l'ouest, la limite avec l'inconnu non-civilise, inhospitalier, et la course vers le Pacifique. Vous savez, le fameux "Far West". Et puis avec le temps, le dix-neuvieme siecle a vu cette frontiere bouger vers l'ouest tant et si bien que rien n'en est reste quand l'Arizona a rejoint les Etats-Unis en 1912 et que plus une seule parcelle de terre ne fut orpheline (d'appartenir a un etat) d'un ocean a l'autre.
L'Alaska, en 1867 ou en 1959 (selon le penchant de chacun pour le statut d'etat) devint une nouvelle frontiere, dans le sens ou tout restait a y faire : la nature a dompter, le petrole a pomper, et Palin a elire. Integre aux Etats-Unis avant Hawaii, donc quarante-neuvieme etat, il s'agit pour ma part du quarante-cinquieme etat coché dans ma liste. Tant pis pour l'ordre dicte par l'histoire, je vais creer le mien.
Ces quelques mots ayant ete dits, pourquoi m'envole-je pour Vancouver, Canada, plutot qu'une quelconque ville d'Alaska ou de la cote ouest des Etats-Unis ? Car apres des heures ; que dis-je, des jours entiers d'investigation, j'ai determine que c'est de Vancouver que partirait la meilleure croisiere (ze best cruise) pour aller faire un tour en Alaska. Une croisiere ! Horreur... des journees entieres enferme sur un bateau, a ne rien faire ? Mais oui, wou hou ! Car l'Alaska est un etat 'lointain'. A oublier donc le road-trip pour aller y faire un tour. Il faudrait rouler via le Canada 1860 miles (3000 km) et 41 heures depuis Seattle, son plus proche voisin americain, pour y mettre un centimetre carre de pneu ou de semelle. Et la capitale (Juneau) n'est meme pas atteignable par route terrestre...
Je n'ai pas reussi a trouver de vol direct Boston-Vancouver, et apres des heures de reflexion sur la meilleure strategie a adopter (partir la veille ? Partir tot le jour du depart de la croisiere ? Dormir dans une ville sur le trajet en avion ?), C2 et moi nous envolons de Boston a 17 heures pour arriver vers 22h30, heure locale, a Vancouver, apres un stop a Portland, Oregon. Bien que j'aie stresse comme un malade en imaginant tous les scenarios les plus abominables, aux environs de 23 heures nous sommes dans notre chambre au dernier etage d'un hotel surplombant les quais d'embarquement des bateaux de croisiere a Vancouver, avec tous nos bagages. Bravo !
Note : pendant notre trajet jusqu'a l'hotel en taxi, quand il n'est pas occupe a essayer de nous tuer au volant de son bolide, une Toyota Prius, en faisant des changements de file a des vitesses dignes d'un grand prix de F1, notre conducteur, pardon, notre pilote tente d'engager la conversation, par exemple en nous demandant d'ou nous venons. J'ouvre ma grande bouche pour repondre, avec l'accent : de Baaaaaaaston... grave erreur. Le week-end dernier s'est joue a Vancouver le dernier match de la finale de la saison 2010-2011 de la NHL (hockey sur glace) entre Boston et Vancouver, pendant lequel Boston a battu Vancouver 4-0, ce qui a provoque des emeutes (meme... s'il est probable que les emeutiers s'en fussent aussi donne a coeur joie en cas de victoire de Vancouver) dans le centre-ville, et nous admirons de magnifiques plaques de contreplaque venues remplacer temporairement les baies vitrees des grands magasins de Robson St. Charmant accueil !