Je vais passer la journée a Philadelphie, ville historique des Etats-Unis d'Amerique a n'en point douter. Cependant comme je veux eviter les bouchons, dont j'ai eu un avant-gout hier pour atteindre mon hotel, je me rabats aujourd'hui sur des musées a distance raisonnable de mon hotel.
Le premier est le Simeone Foundation Automotive Museum. Créé en 2008 par un neurochirurgien collectionneur de voitures, cet etablissement a deja eu le temps d'etre désigné "Museum of the Year" en 2011 et 2017 d'apres mon depliant. Mais par qui exactement ? Je ne sais point. Je m'acquitte du cout d'acces ($15) et je me lance dans la visite d'un immense hangar abritant des dizaines (centaines ?) de vehicules automobiles. J'ai rapidement la tete qui tourne. Vite, vite ! Tout prendre en photo, et vous farcir la tete avec des tonnes de details ! Ou alors, quelques morceaux choisis, avec mes commentaires bien inspirés.
Je suis déçu que cette voiture n'ait pas son propre article sur wikipedia, mais elle y est tout de meme en photo.
Celle-ci a son article : https://en.wikipedia.org/wiki/American_Underslung.
effrayant : une voiture (1922 Paige Daytona) vantée pour atteindre 100 mph (160 km/h), avec un troisieme siege a l'exterieur de la carrosserie
Je n'en avais jamais entendu parler, heureusement wikipedia sait tout : il s'agit d'un produit d'Emile Darl'mat, carrossier français au nom breton.
Wikipedia a plus d'information sur cette voiture a aileron.
Cette chose, repondant au doux nom de "Shady Glenn", est une "Funny Car" ("voiture marrante", pas d'article en francais désolé), une categorie specifique de dragster. Cet exemplaire, qui roule au nitromethane (tres marrant), developpe 2000 chevaux (tres, tres marrant).
Apres avoir vu beaucoup (trop ?) de voitures en un peu plus d'une heure, je sature. Je resiste a l'envie de m'acheter un souvenir au Simeone Foundation Automotive Museum, et je prends ma voiture de loc', une Volvo S60 elle-meme assez marrante, pour aller manger un sandwich dans Philadelphie. Ah... je n'ai pas pu m'empecher de me taper un petit coup de bouchons en ville !
Au programme cet apres-midi : American Swedish Historical Museum, fondé en 1926. J'en apprends plus sur la colonie de Nouvelle-Suede (Nya Sverige), qui exista entre 1638 et 1655 sur les rives du Delaware sous le regne de la reine Christine de Suede.
En 1643 Johan Printz, gouverneur de Nouvelle-Suede de 1642 a 1653, installa sa "capitale" au fort Nya Göteborg, sur Tinicum Island. L'ile fait partie de nos jours de Tinicum Township, un petit village qui jouxte Philadelphie. En regardant une carte on peine a comprendre ou pouvait se trouver une ile tant l'urbanisation a modifié les lieux. Entre l'aeroport de Philadelphie, l'interstate 95, des parkings, et les habitations de Tinicum Township justement, difficile d'imaginer qu'en 1643 tout ceci etait un chapelet de petites iles en bordure de la Delaware River, a l'embouchure de Darby Creek (creek = ruisseau) et de ses affluents. Une carte dans le musée indiquant les denominations de la tribu locale des Lenapes appelle l'ile Tennakonk, Darby Creek etant Muckraton ou Karakung, et le fleuve Delaware etant Makerisk-kitton. Le Swedish Historical Museum ne se trouve pas sur Tinicus Island mais en est tres proche : seuls l'aeroport et la Schuylkill River le separent de l'ile.
La Nouvelle-Suede eut du mal a prosperer. Entre 1637 et 1656 douze expeditions d'approvisionnement (dont dix seulement arriverent a destination) traverserent l'Atlantique entre "vieille" et Nouvelle-Suede, l'avant-derniere en 1654 arrivant trop tard pour sauver la colonie. Menacée a partir de 1651 par l'influence de la Nouvelle-Neerlande et son gouverneur Pieter Stuyvesant (dont j'ignore encore s'il fumait ses propres cigarettes), et par des tensions internes, la colonie passa sous le controle de la Nouvelle-Neerlande en 1655 tout en gardant une certaine autonomie. Apres plusieurs guerres anglo-neerlandaises, la Nouvelle-Suede passa pour de bon sous le controle des Britanniques et perdit toute autonomie en 1683.
Qui etaient les colons de Nouvelle-Suede ? Sans surprise, des Suedois, emigrés de force quand les volontaires se faisaient rares. Et lorsque meme les Suedois ne suffisaient plus, des Finnois capturés pour deforestation illegale se retrouvaient en partance pour la Nouvelle-Suede. Au milieu de tout ca on entend parler de Peter Minuit, un Wallon (?) connu pour avoir acheté pour une poignée de fifrelins l'ile de Manhattan en 1626 aux Lenapes au nom de la Compagnie neerlandaise des Indes occidentales, se faire embaucher comme capitaine de la premiere expedition suedoise en 1637-1638 a bord du Kalmar Nyckel.
Vous etes perdues ? Moi aussi. C'etait la mondialisation avant l'heure. Ou plutot, la mondialisation a toujours existé.
Des siecles plus tard, il est estimé que 1.5 millions de Suedois emigrerent entre 1821 et 1930, la majorité a destination des Etats-Unis. Les statistiques sont fascinantes. D'apres les chiffres de Statistikmyndigheten, voici les données pour l'année record d'emigration - 1887 :
- population : 4 734 901
- naissances : 140 169
- deces : 76 227
- immigrants : 4 642
- emigrants : 50 786
L'emigration represente 80% de l'accroissement naturel de la population !
une (la ?) piece maitresse du musée : une immense carte murale de la Suede en 1638, peinte sur des feuilles de bronze
La carte elle-meme date de 1938.
Cette peinture de 1928, censée montrer l'arrivée des premiers colons suedois debarquant du Kalmar Nyckel, est aujourd'hui decrite comme grandement idéalisée et inexacte, representant les Lenapes de facon raciste. C'est-a-dire, en quelques mots, adoptant l'approche : homme blanc = civilisé & raffiné, autochtones = rustres sauvages. Ce qui reflete peu la realité des premieres colonies d'Europeens en Amerique au 16eme et 17eme siecle.
Je cite : "les bonbons suedois sont plus populaires que jamais de nos jours [date non indiquée]. Le citoyen suedois consomme en moyenne 35 livres [16 kg] de bonbons par an - presque 4.5 fois plus que les Americains !" Mon dentiste m'interdit la consommation de plus de 35 grammes de bonbons par an 😫. Je continue : "le bonbon dans la culture suedoise est plus qu'une douce gaterie. Il reflete l'accent de la Suede sur la solidarité, l'equilibre, et la celebration des petits plaisirs de la vie". Hein ? Je ne suis tout d'un coup plus tres sur de lire les explications d'un musée suedois, ou le message commercial d'une compagnie americaine. Un voyage en Suede s'impose pour creuser le sujet. Je visite une salle a l'ode de John Ericsson, ingenieur suedois et "génie oublié" (d'apres le musée), concepteur du premier bateau a propulsion par helice aux Etats-Unis.
Aux antipodes de cette visite culturelle qui m'a ravi (en passant : j'etais le seul visiteur du musée), j'acheve ma journée avec une immersion integrale dans un haut lieu de la culture etats-unienne contemporaine : un stade. Football, basketball, baseball, peu importe. Ce soir je vais voir du hockey. Une foule turbulente, parfois alcoolisée, a forte teneur en graisse et en plastique, bruyante jusqu'a l'abrutissement, clame devant une patinoire de 1600 metres carrés alors que la temperature exterieure avoisine les vingt-sept degrés Celsius. Je perds quelques pourcents d'audition tant la sono est forte. Lorsque l'equipe a domicile marque, les trepignements font trembler les gradins. Lorsque l'equipe adverse marque, deux options : silence (relatif), ou braillements menacants contre l'equipe locale (oui oui, locale, pas adverse !), qui doit craindre pour sa vie certains soirs - pour reference : recherche internet (en anglais) pointant vers des articles sur des sportifs recevant des menaces de mort de la part de parieurs. Civilisation ? Evolution ? Decadence ? Je me pose beaucoup de questions.
Ceci marque la fin de mon voyage. Le lendemain je prends l'avion pour rentrer a Boston, apres un sympathique road-trip de 668 miles (1075 km) en Pennsylvanie.