Pour notre derniere journee complete sur place, C2 et moi allons nous promener dans Willemstad, la capitale de Curaçao. Ca sera moins la course que lors de notre tour de l'ile avec notre guide il y a trois jours. Nous restons a Willemstad et faisons tout a pied. Comme tous les jours, le soleil tape et il fait super chaud. Le taxi nous depose a Kura Hulanda Village, dans le quartier Otrobonda de Willemstad.
Nous sortons du village en direction du pont Reine Emma.
Nous traversons le pont pour passer du quartier Otrobonda au quartier Punda.
Ce magnifique cinema semble avoir ouvert en 1947 (reference : https://www.curacaohistory.com/1947-first-movie-theater-in-curacao). Google map m'indique gentiment que ce cinema est "définitivement fermé". Certes, certes...
Waterfort a son petit article sur wikipedia (en anglais). Sur l'emplacement de son ancienne caserne fut construit et ouvert en 1957 un hotel avec une tour de 14 etages, ce qui en fait le batiment le plus eleve de l'ile. L'histoire recente de cet hotel est pour le moins mouvementée. Je ne comprends meme pas quand il a fermé. En 2017 ? C'est tres beau ces hotels insulaires a l'abandon. Ca me rappelle ma visite de Monte Palace aux Açores. C'est aussi plein de materiaux polluants et toxiques, meme si d'apres cet article du Curaçao Chronicle, l'hotel a ete désamianté en 2022.
Si vous etes fan d'exploration urbaine, l'hotel a evidemment droit a ses petites videos idoines sur youtube.
Nous retraversons le pont Reine Emma pour aller au fort qui fait face au Waterfort : Rif Fort, construit en 1828, de nos jours reconverti en galerie marchande. La temperature continue a monter, je suis a deux doigts de passer a l'etat liquide. Nous nous refugions dans un magasin de souvenirs, argh, ou C2 veut faire des emplettes.
Nous retournons ensuite a Kura Hulanda Village pour visiter son musée "anthropologique [...qui...] offre une chronique de classe mondiale sur l'origine de l'homme, le commerce des esclaves d'Afrique, [des] empires ouest-africains, des reliques mesopotamiennes, et l'art des Antilles". C'est un programme chargé et j'ai eu un peu de mal a comprendre le fil directeur de certaines sections.
Par contre j'ai bien suivi la section sur l'esclavagisme qui documente les "justifications" royales, politiques, commerciales, et par-dessus tout abjectes, qui ont conduit a entretenir le passage du milieu dans un climat extreme de violence et de déni d'humanité. Ce qui est tout aussi triste et fascinant est de relire que l'esclavagisme n'est pas l'apanage de l'homme blanc. Au 16eme et 17eme siecle, des centaines de milliers d'Européens, hommes, femmes, enfants, furent capturés et vendus sur des marchés d'esclaves en Afrique du Nord. Et les Africains capturés pour etre vendus comme esclaves aux Européens dans le cadre du commerce triangulaire l'étaient par des trafiquants eux-meme africains. C'est l'humanite toute entiere qui serait bonne a mettre a la poubelle.
Les informations dans le musée sont en general données en trois langues : anglais, papiamento, neerlandais. Il y a aussi des reproductions de pages de livres en latin, dont je ne comprends malheureusement rien. Un peu plus d'explications auraient ete les bienvenues. Google evidemment sait parler latin, par exemple "nigritænon absoluto quotidiano penso, crudeliter ab Hispanis habentur" = "les nègres sont traités avec un fardeau quotidien absolu, cruellement traités par les Espagnols". Par contre Google ne parle pas (encore ?) papiamento. Les illustrations accompagnant ces textes en latin n'ont pas besoin de traduction cependant 🙁.
Dans l'article precedent je mentionnais les indiens Arawak presents sur l'ile de Curaçao avant l'arrivée des Espagnols. Un panneau a la distillerie de curaçao de Senior & Co indiquait sobrement que suite au "choc de cultures" (= l'arrivee des Espagnols) la vie des Arawaks changea pour toujours. Nous avons des informations plus explicites au musée Kura Hulanda : "les indiens Arawak des Caraïbes reduits en esclavage, pecheurs et chasseurs, non habitués aux dures conditions des plantations et depourvus d'immunité contre les maladies européennes, etaient traités si brutalement qu'ils preferaient souvent se suicider. Entre 1492 et 1510, environ 200 000 indiens Arawak perirent". "Choc des cultures" dites vous ?
L'esclavage fut aboli a Curaçao en 1863. Le musée nous rappelle que cela reste un fléau contemporain.
Cela me met dans une humeur sombre. Notre taxi nous ramene dans notre hotel douillet avec vue ocean. Sommes-nous complices ?
C'est ainsi que s'acheve notre sejour a Curaçao. Le lendemain nous repartons en avion, en faisant escale non pas a Miami mais a Charlotte, en Caroline du Nord. Je reprends ma routine de "col blanc" americain.